what a pleasant surprise. not. (finose)

battements du coeur qui s’apparentent à des coups de tambours alors qu’elle s’arrête devant la porte qu’elle connaît si bien, expirant un grand coup dans l’espoir de faire redescendre le stress. rose n’hésite que quelques secondes avant d’enfoncer la clé dans la serrure avec une main légèrement tremblante. elle veut pas se laisser le temps de changer d’avis.
une chance que fin n’ait pas déménagé; dans le tourbillon d’émotions qui avait précédé son départ, elle avait oublié de lui rendre le double, un détail qui lui aurait sûrement coûté quelques billets s’il avait dû procéder à l’état des lieux. sans quoi, elle n’aurait jamais pu faire ce qu’elle est en train de faire.
elle appuie sur la poignée, referme doucement la porte derrière elle et traverse le couloir.
- fin? dit-elle d’une voix hésitante.
elle sent son pouls s’accélérer. c’est peut-être à cause du décalage horaire, il paraît que c’est pas bon pour la tension.
ou c’est peut-être parce qu’elle l’a pas eu face à elle depuis des mois, qui sait.

entendant des pas résonner dans la pièce d'à côté, la blonde ne peut retenir un sursaut. quelques secondes seulement séparent ce moment et celui où fin la rejoint dans le couloir, l'empêchant de se demander plus longtemps à qui elle s'apprête à faire face; lui, ou son colocataire.
si tant est qu'il en ait toujours un, de colocataire. vu le peu d'informations qu'elle parvient à arracher à fin ces derniers mois, elle serait pas surprise que la cohabitation ait pris fin depuis longtemps sans qu'elle n'en ait eu vent. fin, il est pas d'humeur à lui raconter sa vie dans les moindres détails en ce moment.
c'est juste une phase, s'est souvent dit rose pour se rassurer. une phase qui dure depuis plus d'un an, rien de bien grave. pas vrai?
mais tant pis s'il est peu bavard, tant pis s'il est plus distant qu'avant, tant pis même, si rose s'y était même résignée au point d'en imiter le comportement, dernièrement. parce que maintenant, elle est là.
elle se fige lorsque leurs regards se croisent enfin, hésitante. elle sait pas si elle a envie de lui sauter dans les bras, faire demi-tour en courant ou rester là, à regarder tous les petits détails sur son visage que tous les facetimes passés n'étaient pas capables de reproduire dans leur entièreté.
alors à la place, elle lui décroche un grand sourire et se contente d'un mot.
- surprise...
et d'une démarche remplie d'une incertitude à faire concurrence à celle de ses onze ans, rose s'approche de fin en ouvrant timidement les bras.

elle profite pleinement de la brève étreinte que le brun lui retourne, savourant l’occasion qui se présente de l’avoir si proche d’elle après tout ce temps. et même s’il lui répond d’un ton réservé, rose décide de ne pas le relever. pas encore.
pour l’instant, elle meurt d’envie d’avoir une conversation légère avec fin, eux deux assis autour du bar dans la cuisine, une tasse de thé chaude entre les mains. comme ils faisaient avant.
alors qu’elle lui emboîte le pas dans la pièce et lui laisse savoir ce qu’elle veut boire, la blonde se surprend à penser que le thé en question a du quitter son placard depuis longtemps. après tout, elle était la seule à en prendre.
- ou peu importe, ce que t’as, s’empresse-t-elle de corriger.
elle s’installe sur un des tabourets, pose son sac par terre. les pieds qui se balancent avec impatience, les ongles qui pianotent sur la surface de la table avec inquiétude.
elle s’en sort plutôt pas mal. un an plus tôt, elle se serait sûrement déjà retrouvée devant l’évier à faire la vaisselle pour évacuer le stress.
- je suis arrivée dans la nuit, lui dit-elle.
des retrouvailles matinales avec babette, qui attendait son retour - vu son grand âge, la blonde a préféré lui éviter les émotions qu’auraient entraîné la surprise. elle a laissé toutes ses affaires chez sa mère, filant chez fin juste après avoir récupéré quelques heures de sommeil et pris une longue douche.
- bon alors, qu’est ce que t’as de nouveau à me raconter? lui dit-elle avec impatience. j’ai l’impression qu’on s’est pas appelé depuis des semaines.
repensant à l’énergie qu’a requis son départ précipité, la blonde réalise que c’est d’ailleurs pas si loin de la vérité.

elle peut pas s'empêcher d'observer fin du coin de l'oeil alors qu'il s'affaire dans la cuisine, le dos tourné, posant quelque chose -est ce que c'est de la bombe pour insectes? se dit-elle en fronçant les sourcils- sur le comptoir avant d'ouvrir les placards et en sortir son thé préféré.
- non, je pense pas que ça périme
elle attend qu’il se serve et se pose à côté d’elle, portant ensuite la tasse à ses lèvres avec un petit soupir de contentement.
- merci, dit-elle en lui jetant un regard.
rose se fige dans son geste, la tasse restant à mi-chemin alors qu’il lui révèle ne rien avoir à lui raconter, lui retournant la question.
il ment. il lui ment ouvertement, avec une paire de lunettes neuves sur le nez.
ça n’a pas de sens. fin, il porte pas de lunettes, il en a jamais porté. comment est ce qu’elle a fait pour ne pas le voir jusqu’à maintenant?
- rien de nouveau? et ça alors?? dit-elle en s’approchant de la monture, dévisageant la paire avec insistance comme si elle espérait que les lunettes viennent à lui expliquer leur présence sur ce visage familier.
- oui, j’ai adoré chicago. mon contrat s’est terminé le mois dernier, on a proposé de me renouveler mais j’ai dit non. j’ai quand même bougé un peu avant de rentrer à paris, c’était vraiment sympa, répond-elle distraitement. depuis quand tu portes des lunettes?

elle attrape machinalement la monture alors qu'il la pose sur le comptoir, l'écoutant parler d'une oreille distraite, encore focalisée sur la nouvelle information qu’elle tient entre ses petites mains. seule la mention de la soit-disant proximité entre chicago et los angeles parvient à la sortir de sa bulle, mettant fin à l'examen qu'elle avait entamé. elle repose les lunettes là où elle vient de les prendre.
elle a pas perdu l’habitude de toucher à ses affaires. mais après plus d'un an sans mettre la main sur l'une d'entre elles, rose se rend compte qu'elle ressent presque une certaine gêne à le faire.
c'est peut-être l'air fermé de fin, qui a l'air aussi enclin à parler de lui qu'à discuter la météo de cette fin de journée.
- ah si, c'est loin, le corrige-t-elle. j'ai pas eu le temps d'y aller, j'avais pas le temps de tout faire. un mois là-bas, c'est short. tu te rends compte que pour aller d'un état à un autre ça prend parfois des heures? lui dit-elle, d'un ton toujours aussi ébahi que lorsqu'elle avait vu les petits chiffres affichés sur google maps, alors qu'elle préparait son road-trip. c'est tellement grand. j'ai fait la cote est à la place, donc j'ai rejoint new york, et je suis descendue jusque miami.
elle repense à son passage en floride et son corps est traversé d’un petit frisson. de tous les endroits qu’elle a pu visiter durant son séjour, il est bien bas dans la liste des favoris.
pourtant, pris dans son ensemble, elle a adoré son road trip. elle s’est même fait des compagnons de voyage, qui ont grandement insisté pour qu’elle les suive jusqu’à la nouvelle orléans. mais paname lui manquait.
fin lui manquait.
rose porte de nouveau sa tasse à ses lèvres, l'écoutant parler. une gorgée manque de passer de travers à la mention du verbe lire, qu'elle a rarement entendu fin mentionner, il faut bien le dire.
- qu'est ce que tu lis? demande-t-elle au tac-au-tac, alors qu'il vient à peine de finir sa phrase.
c’est important, fin. peut-être que c’est simplement pour lire les sous-titres des films que tu regardes en VO, ou peut-être que tu t’es mis à lire des encyclopédies sur les céphalées. à ce stade, tous les doutes sont permis.
réponse qui l’intrigue, mais qu’elle tient aussi à obtenir pour pas le freiner dans sa lancée. qu’il continue de lui parler. ça semble anodin, mais rose prend plaisir à remarquer que le débit de conversation est déjà supérieur à celui de leur dernier échange téléphonique.
maigre victoire, qu’elle savoure quand même comme elle peut.

- ouais central park, c'est tellement grand.
tellement grand qu'elle s'était perdue dedans.
- et l'empire state building, la statue de la liberté, times square... c'est super impressionnant, surtout la nuit.
des gratte-ciel à perte de vue qui lui avaient coupé le souffle, lui maintenant la tête bien levée durant la bonne moitié de son voyage, tandis qu'elle remettait en question la place qu'elle pouvait bien occuper dans ce monde. elle, perdue dans cette jungle urbaine qui ne l'avait faite se sentir que plus petite encore.
- haha, fait-elle en levant les yeux au ciel, ne pouvant empêcher le petit sourire qui vient se mêler au sien. pas de livres, alors. mais il pourrait. faut bien commencer quelque part.
- je sais pas, va falloir que je m'organise dans les prochains jours. j'ai rendez-vous avec mon ancienne chef de service de paris la semaine prochaine, j'aimerais bien retravailler chez eux, mais elle m'a rien promis. on va juste discuter. 
le tapotement de ses ongles sur le comptoir s'accentue. sur le plan professionel, elle a pas vraiment prévu grand chose au-delà de ce rendez-vous. elle s'était surtout concentrée à faire parvenir le reste de ses affaires à bon port chez babette et organiser le voyage précédent son retour dans la capitale. c'est sa psy qui avait été ravie d'entendre ça. elle qui répète constamment à rose qu'elle doit apprendre à lâcher prise. 
- va falloir que je retrouve un appart, aussi, soupire-t-elle. 
la perspective de faire de nouvelles visites est loin de l'enchanter. cumulées à celles où elle accompagnait fin, ces dernières années, rose a la ferme impression d'avoir vu assez d'apparts pour le restant de sa vie. 
- à part ça, trop rien. je vais profiter des jours qui arrivent pour revoir tout le monde. 
tout le monde, ça veut tout et rien dire à la fois. elle pourrait inclure de vieilles connaissances du collège comme elle pourrait l'inclure lui. elle aimerait bien qu'il le sache, pourtant. que par tout le monde, elle sous-entend surtout lui. 
- et passer du temps avec toi, si t'en as à m'accorder, ajoute-t-elle donc, d'un ton léger. bien sûr qu'elle a pas pu s'empêcher de l'ajouter. elle-même saurait pas expliquer ce qu'elle entend par là; c'est à la fois un reproche qui fait écho à cette période précédant son départ, où fin excellait par son absence. mais c'est peut-être aussi ce maigre espoir qui tient à peine debout, malgré tout. celui qui lui chuchote que maintenant qu'elle lui a accordé de l'espace, peut-être qu'ils pourraient revenir là où ils en étaient avant. vers un semblant de leur relation, celles dont ils doutaient jamais, il y a un temps.

- ouais je vais rester chez elle en attendant. elle est ravie, dit-elle avec un petit rire. mais je sais que je pourrai pas rester trop longtemps.
elle est bien, chez babette. c'est sa maman. la deuxième personne a avoir laissé son empreinte dans la vie de rose de la même façon qu'a pu le faire fin. la constante, l'évidence.
mais tout comme avec fin, ça a pas toujours été facile. avant de s'ouvrir et s'autoriser à aimer, et être aimée, rose lui en a fait voir un paquet. si l’animosité qui est partie depuis bien longtemps, il n’empêche que plusieurs mois en compagnie l'une de l'autre seraient capables de légèrement la raviver. rose, elle aime son indépendance. elle s’est battue pour en arriver là. elle peut pas rester chez babette trop longtemps, ce serait comme revenir en arrière.
il lui fait remarquer que c'est elle, qui n'avait pas le temps. elle ouvre la bouche pour protester, sourcils froncés, la referme aussitôt. elle doit pas avoir l'air fine comme ça, à faire le poisson. la vérité c'est qu'elle brûle d'envie de lui faire remarquer que c'est pas elle qui le fuyait comme la peste avant qu'elle ne prenne la décision de partir. qu'elle sait pas où ils en seraient, si elle avait pas insisté pour rester en contact si régulièrement après son départ.
que s’il avait profité de son séjour à l’étranger pour continuer à faire le mort, comme c’était le cas quelques mois avant, elle serait très certainement morte de chagrin.
alors elle marmonne, elle le lâche que du bout des lèvres, espérant à moitié que son message soit pas entendu, de manière à éviter la dispute.
- j'en sais rien moi. t'avais plus l'air d'en avoir beaucoup.
et peut-être qu'il en a toujours pas, il est pas sûr, peut-être que si? elle le regarde saisir son ordinateur d'un air amusé, persuadée qu'il est en train de lui faire une blague quand il lui dit qu’il doit checker son planning. sourire qui s’efface aussi vite qu’il apparaît, parce que fin, finley, son fin, celui qui se pointait au lycée sans même parfois prendre la peine de ramener un sac, vient de lui dégainer un google agenda.
elle peut pas s’empêcher de tourner légèrement le laptop vers elle, sans même lui demander, simplement pour s’assurer de ce qu’elle a devant les yeux.
- trié par couleurs?! sont les seuls mots qu’elle parvient à sortir d’une voix étranglée.
un très bref instant passe durant lequel ses yeux papillonnent entre l’écran, puis fin, et elle est prise d’une folle envie de l’embrasser.
- je t’enverrai une invitation si tu veux, comme ça tu pourras t’organiser! dit-elle avec beaucoup trop d’entrain pour quelqu’un qui discute une fonctionnalité de google agenda.
son regard s’arrête sur un onglet vert du mois de septembre, sur lequel elle voit écrit rentrée.
- vous faites une réunion de rentrée avec ton taff? s’enquit-elle.