quand le passé nous saute à la gueule (ariel)

l'esprit accaparé dans les sonorités du frottement régulier de mes pieds humides sur l'asphalte brûlant, j'avance dans les rues d'honolulu sans réellement prêter attention au monde qui m'entoure.
J'ai appris à baisser le nez pour éviter la foule qui envahi la petite ville qui m'a vu naître, autrefois pourtant tellement tranquille. Putain de touristes. Ma planche sous le bras, je déambule sous un soleil de plomb, peinant à me frayer un chemin jusqu'au parking. Je ne rêve qu'à la station wagon qui m'attend sagement, et aux promesses d'évasion qu'elle incarne. Faut vraiment que je me tire d'ici, et aujourd'hui aucun sponsor à l'horizon pour me traîner dans toutes ces stupides mondaines.
L'ennui quand on regarde ses pieds, c'est qu'on a tendance à oublier qu'il y a un monde, autour des pieds. Et c'est toujours trop tard que l'on s'en aperçoit."AOUCH" ma tête rebondit contre une surface solide totalement inattendu. Une surface blonde doté d'un joli postérieur que j'aurai bien voulu admirer s'il n'avait pas manquer de me renverser sous le choc de la collision.

j'aime bien les gens, mais là, y en a juste trop. j'cherche activement un moyen de me sortir de cette foule, à coup de 'pardon', 'pardon', 'pardon' et 'pardon'. j'atteins finalement le parking, là où je peux respirer -un peu- mieux, même si c'est pas tout à fait ça, encore. je le traverse, puis je tente de trouver mon portable en même temps. on sait tous qu'il est caché bien au fond, dans les (gigantesques) profondeurs de mon petit sac. j'relève mon visage au même moment où on m'fonce dessus. aïe, mon nez. - j'suis vraiment désolée, j'regardais pas où je.. je m'interromps. bien évidemment que tu le reconnais, reef. j'sais pas ce qui fait le plus mal, la collision, ou bien le fait de le revoir après tout c'temps. lui et son (même) visage angélique de p'tit con. non, ariel, tu ne vas tout de même pas bégayer. ni même lui montrer que ça t'affecte énormément qu'il soit là, devant toi. t'es une femme forte et tu veux lui montrer que t'as plus besoin de personne, maintenant. n'est-ce pas? je ne lui offre pas de sourire, il en a déjà eu assez. il avait qu'à en profiter, mais si ça s'trouve, il en a encore rien à foutre. - eh ben, reef. ça fait longtemps. j'veux avoir l'air forte, j'veux pas me faire trahir par mon visage tout chamboulé. too late.

Longtemps. Ça fait longtemps. C'est tout ce qu'elle a trouvé à dire celle-là ? merde Ariel tu te fous de moi ? c'est étrange ce sentiment quand elle se tient devant moi. Ou cette absence de sentiment plutôt. Cet espèce de vide , là, dans le creux du ventre, là où ça devrait faire mal, là où ça devrait bondir. Pourtant rien. Le néant. T'es le néant Ariel, et moi je comprend toujours pas. Mais y a quoi à comprendre au fond ? Quand je te regarde je me dis toujours qu'il y a un truc qui va vraiment pas chez moi. Vraiment pas.
Je devrais trembler, vibrer, danser,je devrais enfouir mon visage dans tes cheveux dorés, poser mes mains sur tes hanches un peu trop dévoilées puis t'embrasser. je devrais crever de me noyer dans tes bras et pourtant, le vide est toujours là. Je devrais t'aimer Ariel, parce que t'es belle, parce que t'es drôle, parce que tous les garçons ne regardent que toi, et pourtant y a rien à faire, c'est vide en dedans.
Et je comprends toujours pas.Puis j'ai toujours peur de te voir pleurer, j'ai toujours peur de t'abîmer, même après toutes ces années.
J'ai envie de te demander pourquoi t'es partie, j'ai envie de te demander ce que j'ai foiré, mais au fond je le sais, ce qui t'as fait fuir c'est le vide en moi. Ce vide que je ne comprends pas.
Pourtant j'en suis sure, je t'ai aimé. Je t'ai aimé à ma façon, même si elle est toute pourrie ma façon d'aimer, même si je t'ai faites pleurer. Même si je comprend pas.
Alors je dessine un sourire sur mes lèvres et te serrer dans mes bras, parce que peut-être que cette fois ça marchera, peut-être que tu ne pleureras pas. peut-être qu'en dedans ça vibrera."Ariel, qu'est ce que tu fous là ?" Et puis voilà. Je parle mal, je sais, c'est plus fort que moi. Mais le sourire est là. Peut être que cette fois ça passera.

un câlin? sérieusement? ah et, m'regarde pas comme ça. avec ton sourire, le classique. j'sens ses bras, autour de moi. je ne participe pas. du moins, pas vraiment. juste un peu, juste assez pour ne pas créer un malaise. qu'est-c'que tu fous là, ariel? hm? c'est que je ne peux pas lui retourner la question. c'est qu'il est chez lui. - ben.. comme tu peux le constater.. c'est le festival. j'sais tellement pas comment me comporter avec toi. j'suis déchirée, j'veux t'en vouloir très fort, j'ai envie que tu te sentes mal, que tu te sentes coupable, que tu ressentes ne serait-ce qu'un petit truc à mon égard. de la nostalgie? ou juste, de la culpabilité? c'est beaucoup mieux que le néant, tant que tu ne me prennes pas en pitié. j'suis déchirée, parce que t'as tellement été important, reef. ça m'manque, de prendre de tes nouvelles. de t'encourager, de t'admirer (mais ne compte pas sur moi pour que ces mots franchissent le seuil de mes lèvres.) ça m'manque, de partager mon moi avec ton toi, ne serait-ce qu'entre amis. ça m'manque, d'avoir l'espoir de peut-être un jour réchauffer ton coeur, autrement qu'en partageant non-religieusement un lit simple. mais quand j'te regarde, le seul truc que j'ai à l'intérieur, c'est de l'amertume. je me détache, rapidement. - et toi? t'as encore oublié qu'il était chez lui, ariel? je marmonne. - mais qu'est-c'que je dis là. haha. la honte. - tu.. ben.. comment ça s'passe, ta vie? lolilol.

Le festival. ben ouai, bien sure qu'elle est là pour le festival. reef t'es qu'un idiot. je me retiens de justesse de frapper mon front pour souligner mon malaise, manquerais plus qu'ça, de passer pour un fou, un attardé, parce que tu me trouve déjà assez mal foutu comme ça ariel, nan ? Parfois je me demande ce que tu me trouvais tu sais ? Parce que j'ai jamais rien mérité de tout ça, tout ce que tu m'as donné alors qu'on apprenait tout juste à vivre. Et quand je te regarde parfois j'ai peur de toi. je t'admire beaucoup tu sais, même si je ne le dis pas, parce que toi tu sais vivre ma belle, tu sais vivre sans hésiter. Parce que tu sais vivre sans avoir peur d'aimer.
et que je me sens con là, en face de toi avec mes bras qui pendent, parce que dans tes yeux je ne vois pas la joie. Parce que dans tes yeux y a plus les étoiles, et que ton sourire ne me semble pas vrais.
Parce qu'on se regarde comme des cons sans savoir quoi dire, comme si la distance nous avait fait oublier comment partager.
Parce qu'avant de partager un lit, c'est la plus belle des amitiés qu'on a partagé,
parce que tous les deux on savait rire, parce que la vie était tellement plus jolie.
mais c'est surement parce qu’on a grandi.
Parce que je regarde un femme aujourd’hui, une femme qui me regarde comme un étranger.
- Ma vie... ben tu sais rien d'inattendue, j'ai été signé, je suis sponsorisé, mais tu dois le savoir ça, enfin peut etre pas. Je suis sur le circuit quoi.
est-ce que je suis heureux , je ne sais pas. je ne crois pas. et toi ?
- et toi la vie ?
je me sens vraiment con là, parce que cette discutions ne mène à rien, parce que nous deux ça ne mène à rien.
parce que le temps est passé, que nos traces de pas sur la plage se sont depuis longtemps effacées.
parce qu'on a appris à s'oublier.

si, j'suis au courant, reef. aussitôt que j'vois ton nom quelque part, c'est plus fort que moi, j'dois regarder. j'sais bien, j'suis limite masochiste. je sais pas trop, si j'suis contente pour toi ou si ton succès m'agace. non, au fond, j'suis bien contente pour toi. juste un peu jalouse, de ton premier (et seul) amour qu'est l'océan.

- oui, j'ai su. félicitations. c'est cool.

et moi, tu le sais, que j'ai été signé? tu te renseignes, un minimum? ou bien t'en as rien à faire, de ça? hm? j'sais même pas si j'ai envie de savoir. je me protège, j'ai trop peur d'être déçue, encore une fois. oh que la déception serait horrible. c'est comme si c'était un peu plus terrible à chaque fois, même après tout ce temps, même après ma pseudo indifférence. je mets du temps à te répondre. comme si j'avais envie de te dire des choses un peu plus profondes, comme à l'époque.  des choses un peu plus personnelles. fuck, t'avoir devant moi m'fait sentir si seule. t'avoir devant moi me fait réaliser que t'es le dernier à avoir eu accès à ce qui se cache en dessous de mon épaisse carapace. c'est difficile de souffrir de l'orgueil. c'est difficile de se mentir à soi-même constamment. mais c'qui l'est le plus, c'est d'arrêter de se croire.

- moi aussi. moi aussi j'ai été sponsorisée. c'est tout. y a rien de nouveau, sinon.

désolée, reef. j'ai décidé que j'avais pas envie de t'en dire plus. mais en même temps, qu'est-ce que j'ai à dire de plus? mis-à-part que j'ai déménagé quelques fois, depuis que j'suis plus à hawaii. tu trouverais même pas ça intéressant, pas vrai? pourquoi tu m'poses la question, si au fond, t'en as rien à faire? c'est bien, la politesse. mais ça ne me dérangerait pas, que tu ne le sois pas, poli. on pourrait se dire des bêtises, j'pourrais continuer mon chemin, retourner à la caravan, toute à l'envers. avoir envie de gerber, toute la soirée, et retrouver mon confortable déni, demain matin.

Parce que je sais pas ce que je devrais dire tu sais, je sais pas comment je devrais réagir. Est-ce que je dois faire semblant, semblant de savoir, semblant de te connaitre encore malgré les années ? Est-ce que tu vas pleurer si je te dis que je ne savais pas ? Que je ne sais plus grand chose de toi ? Est-ce que tu vas me frapper ?
- rien d'autre ? alors ta vie se résume aux compétitions ?
A l’intérieur, je souris, parce que cette fois je suis fier de moi, de ce mouvement élégant qui me permet d'éviter le sujet. Non je ne te dirais pas que j'en savais rien, je ne te dirais pas que je t'avais un peu oubliée, que je t'avais mise de côté, enfermée dans une parenthèse à laquelle j'ai souvent évité de penser.
Parce que quand je pense à toi je me sens comme le dernier des enfoirés, un con fini. et je sais même pas pourquoi. Je me sens juste vraiment mal quand je pense à tout ce qui s'est passé, alors je le fait pas. Mais là, t'es devant moi ma jolie, alors le passer, je peux vraiment pas m’empêcher d'y penser. Et c'est étrange ce que ça produit, là, au fond de mon estomac.
Je sors une petite boite de ma poche. Dans la boite, un joint que j'allume entre mes doigts. Je tire une longue bouffée, inspire, expire, oublie, merci ganja fairy. Je me sens un peu mieux, un peu plus moi.
- Tu veux fumer ?

mais oui reef, ma vie se résume aux compétitions. j'fous rien d'autre de ma vie, moi. en même temps si t'avais pas totalement foutu en l'air ma vie sentimentale. ça c'est c'que je dis, là, maintenant. mais au fond, j'sais bien que c'est pas de ta faute. du moins, pas totalement de ta faute. c'est moi, qui aurait dû me casser avant que ça fasse trop mal. un peu comme quand on fait la corde à tarzan, dans l'eau (haha.) y a un moment où tu dois lâcher, autrement tu te prends le sable. c'est jamais très très agréable.

- ben.. ouais. j'sais pas si j'dois en rire ou en pleurer?

ouais, je vis pour mon sport, c'est bien cool tout ça. mais ça aurait pu être mieux, j'aurais pu être.. normale? les autres chandelles se sont éteintes. je ne vis que pour la dernière flamme. c'est ok, i'm living the dream, du moment où j'quitte pas cette planche. parce que sinon, c'est vide. vide, vide, vide. des amis, ici et là, un peu partout dans le monde. mais j'suis toute seule dans mon coin, moi. et je me fais croire, à tous les jours, que la liberté c'est ce qu'il y a de mieux. la 'liberté'. j'suis surtout prisonnière de mon coeur endurci.

- non.. en fait, oui..

oui, peut-être bien que ça va aider. oui, peut-être bien que ça va créer des mots, qui voudront bien s'échapper de nos bouches. un semblant de conversation, un semblant d'affection. quelque chose? juste quelque chose.

- comment vont tes frères?

En pleurer. En rire. J'en sais trop rien. Moi j'en ris, de la simplicité de ma vie, j'en ris parce que ce serait trop triste d'en pleurer. J'en ris parce que je l'ai choisis alors maintenant il faut assumer. Mais que penserais-tu de moi, toi, si je te disais que cette vie de podiums est tout aussi pourrie qy'une vie à l'usine ? Parce qu’il n'y a plus rien du rêve là-dedans, parce que tu sais Ariel, les rêves c'est pour les enfants.

- Moi j'ai toujours préféré en rire.

Voilà, comme ça c'est dit. Tu t'rends compte de l’ironie de la situation ? De toutes les personnes à qui j'aurai pu parler de ce qui me bouffait là tout au fond, j'ai choisi d'en perler à celle que j'ai détruite par le passé. Celle dont c'est moi qui ai bouffé le cœur, et sans rien remarquer.
Alors je baisse la tête, avec mon sourire en coin, parce que y cette gène tellement inhabituelle qui s'installe entre nous. Là tout suite je prie pour que le thc soit plus fort, je pris pour qu'il délie nos langues, qui délie surtout nos cœurs, qu'il vide le tiens, puis remplisse le mien.
Mes frères. ca t’intéresses vraiment Ariel ? Ou t'essais juste de meubler le silence ?

- ils sont ok. Keona rentre demain, ou ce soir, je sais plus trop. Puis Malo grandis. Trop vite.

Et ma voix se serre sur les derniers mots. J'ai envie d'ajouter "sans moi". Mais je ne le ferais pas, on va quand même pas se la jouer drama!

- dis ariel, je peux te poser une question ?

je lance en marmonnant à moitié, évitant très soigneusement ton regards, parce que sinon j'y arriverais pas tu sais... Alors je prend une nouvelle bouffée du joint qui gît entre tes doigts. Comme avant. Comme lorsque toi et moi, on était pas encore des inconnus. Lorsque tout était encore pleins de promesses et de joie. C'est nul d'être adulte.

tu préfères en rire hm? tant qu'à involontairement prendre exemple sur toi, je devrais peut-être bien en rire moi aussi. même s'il n'y a rien de tout ça qui est vraiment drôle. il n'y a rien de tout ça qui me fait vraiment rire. ça fait pas rire les autres, non plus. ça fait rire personne. alors peut-être bien qu'on devrait plutôt en pleurer, tu trouves pas? j'hausse les épaules.

- t'entends quoi par trop vite?

oui, ça m'intrigue. je ne les connais pas beaucoup, mais je les ai côtoyé plutôt souvent. j'ai toujours trouvé ça beau, ce qu'ils partageaient ensemble. ce quelque chose, que j'ai pas du tout avec mes frères. quoi qu'avec mes frères, j'ai même pas un minimum d'affection. j'suis peut-être dans la même situation que reef actuellement, mais lui au moins, il a ses frères. à qui il tient, de qui il est proche. quelque chose pour maquiller un peu le néant, ou pour le rendre supportable, du moins.

- oui?

tu m'intrigues, mais j'sais pas si c'est positif ou négatif. j'ai juste vraiment peur de ce que tu vas me demander, comme si c'était automatiquement une question effrayante. par 'effrayante', j'entends, faisant référence au passé. tu vas tout de même pas me demander si mes fleurs poussent bien sur mon balcon, hm? forcément, quand on demande avant de poser une question, c'est qu'elle rend mal à l'aise. ou peut-être bien qu'actuellement tu m'rends juste énormément parano. tout ça m'rend parano. te voir ici m'rend parano. et j'rentrerais bien chez moi pour pleurer en boule dans un coin. voilà, c'est dit.