bohemian rhapsody (buzer)

Sourire aux lèvres, tu fermes ton téléphones et l'range dans la poche arrière de ton short. Tu soulèves ton sac de sport d'une main et tu le balances à l'arrière de ton véhicule. Tu comptais partir seul, finalement, tu l'es plus. T'esquisse un sourire en fermant le coffre de ta voiture. Tu sors une clope du paquet et la porte à tes lèvres. Tu prends appui contre ton véhicule et recrache une première fois la fumée. Merde, ta vieille. D'une pression du doigt, tu verrouilles ta bagnole et tu retournes à l'intérieur, clope au bec. « Eteins ton cigare, Eze, j'viens de finir le ménage. » Tu étouffes un léger rire en passant près d'elle, t'écrase ta clope dans l'évier. « Ma', j'me taille pour Maputo. » Tu l'embrasses sur la joue tendrement. « Fais attention, mon fils. » « toujours. » Un simple clin d'oeil et tu contournes sa faible silhouette. Elle te regarde partir et tu fermes la porte derrière toi. Un rapide coup d'oeil pour voir l'heure et tu décides d'allumer ta deuxième cigarette. T'es plus à ça près de toute évidence. Tu ouvres la portière place conducteur et tu t'assied. Soleil éclatant, soleil étouffant, tu transpires déjà mais ça ne te dérange pas. La chaleur ambiante est une habitude pour les habitants du coin, tu en fais partie. L'Afrique a ses défauts, comme toi, mais elle est bourrée de qualités également. T'es songeur, un rapide séjour à Maputo te donnera l'impression de reprendre des forces. Buster s'taille à NYC la semaine prochaine et toi, tu quitteras certainement le continent pour un contrat. Vie de bohème, c'est comme ça que tu l'aimes.

✈ (maputo) ⓗ 15 h et des brouettes ☺  eze et buster ♪ Pacifique, Zoufris Maracas

Putain de bordel de chiotte ! Comment peux-tu marcher avec une douleur au pied ? Non, pire. Un endroit de merde, le gros orteil. Ta journée mec, elle commence mal. Ce pincement annonce des heures emmerdantes. Par chance, ton pote Eze t'as proposé de faire un tour à Maputo. Le temps va passer au bord de la plage. Tu passeras des minutes sur le sable, des milliers de secondes à regarder la mer. C'est la belle vie. Nul besoin de consommation compulsive aujourd'hui. Toi, tu profiteras de ta journée sans te plaindre. C'est ce qu'il faut faire. C'est ce que tu dois faire !

T'arrives chez lui. Tu le vois cloîtrer dans sa voiture. Proche d'Eze, tu cognes brusquement sur la portière du conducteur.

- Hey branleur, tu m'feras un massage sur la plage ? Je souffre le martyr putain.

Tu tripotes ton pied gauche comme si le geste allait changer quelque chose. Le regard dévié sur la maison, tu hurles le sourire blanc:

- Salut M'dame Bangwé !

Tu finis par faire le tour du véhicule pour déposer tes fesses sur le siège du passager avant. Tu sors un CD de ta poche pour le mettre. C'était une de tes dernières trouvailles sur le net.

- Ecoute ça man, c'est frenchi.

T'as pas b'soin d'le voir arriver pour savoir qu'il est là. T'as la tête baissé mais déjà, tu souris, lorsque tu l'sens débarquer. Un simple reflet d'ombre sur ta porte et tu lèves tes yeux vers Buster. T'éclates de rire à sa démarche hésitante, à l'imaginer sur sa planche demain. Tu te lèves de ton siège pour l'accueillir, sans te départir de ton sourire. Tu d'vais partir seul, au final, vous êtes deux et t'es plutôt content. La compagnie d'Buster vaut toutes les compagnies du monde et toutes les meufs du monde. Abuse pas non plus, cléb's. tu l'as toujours appelé Clébard, c'est votre truc. Faut savoir que c'est pas péjoratif, pour toi, il a toujours eu l'allure des chiens errants qu'on peut croiser partout à Johanesburg. Alors quand tu l'as rencontré, avec sa peau pâle et ses cheveux platines, t'as pas pu t'empêcher de faire la comparaison. Depuis, c'est resté, c'est votre truc. Comme pour beaucoup d'autres choses. Tu le laisses faire le tour de ta voiture, tu craches au sol les ruines de ta cigarette et tu te mets au volant. Il est à peine rentrer qu'il t'impose sa musique de blanc et tu éclates de rire... la différence, ça a toujours été le ciment de votre relation, en plus de la loyauté et de l'honnêteté. T'es sérieux frat' ? c'est pour les blancs ta musique... Tu ris doucement en allumant le moteur, tu presses la pédale. Un dernier coup d'oeil à ta mère, sur le porche, et tu te places dans la file. Six heures douze vous séparent de la plage, une broutille en d'autres termes. Et puis, depuis dix ans, tu commences à connaître quelques raccourcis bien pratique, non ? Tu veux une clope ? Tu tournes ta tête vers ton copilote et tu lui tends ton paquet de camel. Je m'arrêterai juste avant d'arriver à la frontière du Swaziland, ça t'va ? Buster, il était pas du genre chiant en voiture.

Tes yeux dérivent sur Eze. Comme toujours, ce mec est un fucking beau gosse. Tu comprends pourquoi il se fait pas mal de meufs. Il n'a rien à envier à personne ce type. Grand, musclé, de beaux yeux, une gueule badass... T'aimes ça. Non, tu aimes ce gars. C'est ton pote, ton grand ami qui respire l'air de liberté tout comme toi.

- T'es pas sympa.

Tu plisses tes lèvres pour lui faire une grimace de gamin capricieux. T'es un peu du genre insupportable, mais adorable. Un gamin dans l'âme. Un beau gamin et un adulte affreux. On trouve mieux comme personne responsable. Toi, tu penses beaucoup à ta gueule. T'es éloigné de la vision qui est majoritaire dans le monde aujourd'hui. Tu détestes la consommation, tu hais la pollution... putain les gars, faut changer ce monde pourri !

- Ta gueule Eze, ton cul est plus blanc que le mien. Ça fait longtemps qu'il n'a pas vu le jour l'popo.

Actes de gamins et paroles de gosses. Les deux vont ensemble pour bien faire. Tu n'fais pas d'efforts pour paraître mature, plus âgé ou simplement ton âge. Tu parles comme chez toi, comme dans ton quartier. T'es insolent et parfois naïf dans tes mots employés.

- Cimer negro.

Tu prends une blonde que tu poses sur tes lèvres. Tu fouilles dans ton bermuda pour trouver un feu. Puis, t'en vois un traîner dans la voiture à côté de papiers et de CD. Tu le prends un instant et allume ta blonde.

- Qu'est-ce que tu vas foutre à la frontière du Swaziland ?

Tu souffles ta fumée dans la direction d'Eze juste pour l'emmerder tel un enfant d'coeur. Tu tentes aussi de chanter sur la musique. Le français n'est vraiment pas dans tes talents, dans tes compétences... Alors, tu fais de ton mieux en faisant du yaourt.

wikipedia a écrit:

⟨ YAOURT: Chanter en yaourt est une technique qui consiste à chanter en produisant des sons, des onomatopées, des syllabes qui font penser qu'il s'agit d'une langue réelle.

Tu éclates de rire à sa remarque, il fait la moue avant de s'assoir. Buster est un gosse, comme toi. Vous n'avez pas fini de grandir ou avez tout simplement fait le choix de vous arrêter sur une certaine période. De toute évidence, personne ne pourrait vous comprendre et vous vous en moquez bien. J'ai signé nul part pour être le gentil de la bande, bust' un rapide clin d'oeil et tu fermes la voiture. Lorsque tu lui parles de couleur, il s'emporte en riant et t'accuses d'être plus blanc que lui. Tu réponds en riant, de bon coeur. Des deux, t'as jamais été le plus adulte mais toujours le plus raisonnable et le plus responsable. Quoi qu'au fond, vos idéaux sont fondamentalement les mêmes. Le monde est moche, le monde est gris et toi, toi t'es une touche de couleur, comme Buster. Et la couleur, ça égaie ce monde, un peu. Alors ensemble, vous vous battez pour changer les choses autour de vous. C'est pas que tu pisses des arc-en-ciel, mais t'es convaincu qu'en touchant un mur, tu lui donnes aussi de la couleur. Et si ça te convainc, alors ça convainc aussi Buster. C'est comme ça, vous vous comprenez, vous êtes pareils. T'as pas idée à quel point c'est vrai. D'ailleurs, j'comptais bien m'la jouer nudiste sur la plage histoire de m'bronzer l'service trois pièces. de bon coeur, t'accompagnes son rire. Z'êtes des gamins, mais vous avez pas honte de l'avouer. Il prend une clope, tu suis son geste du regard et puis, tu en prends une aussi. T'es plus à ça près et ta mère n'est pas là pour te faire la moral. Tes poumons crèveront avant ton coeur, c'est pitoyable, mais faut bien mourir de quelque chose. T'allumes ta clope en ouvrant la fenêtre, tu laisses le vent caresser tes joues tout en te concentrant sur la route. T'as un sens de l'orientation d'merde, le cleb's. On est obligé de franchir la frontière pour rejoindre Maputo ! T'es sûr de toi, tout du moins, c'est le chemin que tu empruntes à chaque fois. Tu tires une première fois sur ta clope et puis, tu laisses la vie s'écraser sous les roues de ta voiture. T'es bien, en ce moment, juste bien. Il souffle sa fumée dans ta direction, tu secoues le visage en riant et puis, tu éclates à nouveau d'un rire sonore lorsque tu l'entends chanter en français sur la voix de ta radio. Faire les imbéciles a toujours été partie intégrante de votre contrat, votre relation. Et ça fait du bien d'oublier un instant la merde qu'il y a dehors pour se concentrer que sur ton pote. Alors, de bon coeur, tu fais comme lui, tu chantes, même si ton français est un peu mieux pour avoir eu la chance d'aller à Paris à plusieurs reprises. Y s'passe bien dix bonnes minutes pendant lesquelles vous chantez comme deux abrutis, toi t'as même eu l'temps de t'allumer une seconde clope. Et puis, le paysage change légèrement mais reste toujours spectaculaire. Tu ne te lasses jamais de faire cette route. Prêt pour ta compète ? tu cesses de chanter et tu tournes ton visage vers lui, tu t'inquiètes souvent, à tort, de ce qu'il fait. C'est que tu l'aimes beaucoup, ton Buster.

C'est un truc de fou comment tu te sentais bien. Tu avais presque oublié ta petite douleur à l'orteil. Elle revenait de temps en temps quand tu osais bouger ton pied comme un con. Tu espérais que ce n'était rien de grave. Sinon, pour le snowboard ça allait être sympa...

- Non t'as craché sur le contrat en faisant de toi directement le connard d'la bande.

Que d'amour dans tes mots. T'es un peu vulgaire et insolent, mais c'est ta personnalité. Il faut t'accepter comme tel. T'es pas du genre à faire beaucoup d'efforts pour changer ta petite personne. On t'aime, tant mieux. On nt'aimes pas, tant pis. Chacun ses goûts, chacun sa vie. Mince alors. Tu te prends pas la tête avec ces choses-là. T'as d'autres trucs à foutre dans ta vie que de te préoccuper de ce que pensent les autres de toi.

- T'es sympa, tu feras ton défilé de boules une prochaine fois hein ?! J'ai pas envie d'avoir une infection aux yeux en plus de ma crampe.

Tu lui fais une bouille digne d'une biatch qui se prend en selfie sur les réseaux sociaux. Kiss kiss love love à ces boobs, euh... non pardon à ces filles. Bref. Tu venais tout juste de balancer ta clope dans le cendar de la bagnole que ton pote en allumait une autre. Il fumait peut-être un peu trop le gamin. Tu fumais aussi, mais le sport t'empêchait de trop t'asphyxier comme un pompier.

- T'as p'être raison man, mais mon sens de l'orientation va sûrement pas me faire crever. Alors que toi, à fumer comme ça, tu vas finir par claquer.

C'était brute. C'était gratuit, mais tu t'inquiétais aussi pour sa santé. C'est ton pote, t'as pas envie de le voir crever maintenant. Dix minutes passent à chanter comme des merdes. Eze commence à te parler de ta prochaine compète.

- Euh ouais. Bah j'vais la semaine prochaine à New Yeurk pour deux ou trois jours et après j'me casse au Canada pour m’entraîner.

Les entraînements se faisaient chers. Mais, tu aimais te rendre au Canada pour plancher. L'ambiance et l'air sont différents. Là-bas, tu te sens vraiment en bonnes conditions pour faire de ton mieux.

- D'ailleurs, y'a le honolulu fest bientôt. C'est à Miami, tu connais ?